Protection des travailleuses et travailleurs

L’Intelligence artificielle change le monde du travail. Que fait la Suisse?

Les applications d'IA sont omniprésentes dans le quotidien professionnel de nombreuses personnes, une réalité qui s’est renforcée depuis le déploiement de ChatGPT. Mais les employeurs utilisent également des outils d'IA à d'autres fins, par exemple pour gérer le personnel. Cela comporte des risques. Grâce à deux membres du Conseil national, la politique commence à prendre conscience de ces défis.

Montage photo : AlgorithmWatch CH, Photos portraits : parlament.ch

Que ce soit pour augmenter la productivité, pour analyser les employé·e·s ou pour recruter du personnel, les employeurs misent de plus en plus sur des systèmes basés sur des algorithmes et sur l’Intelligence artificielle. Les employé·e·s restent toutefois souvent à l'écart de la planification, de la mise en œuvre et de l'exploitation de ces systèmes, même si la loi en vigueur leur garantit le droit de participer. Or, l'utilisation de systèmes algorithmiques sur le lieu de travail comporte de mutliples risques, tels que la discrimination algorithmique ou des effets négatifs sur la santé.

«Y a-t-il des lacunes dans la loi?»

Le conseiller national Niklaus-Samuel Gugger (PEV) a récemment interpellé le Conseil fédéral. Il lui demande s’il partage l'avis selon lequel il existe des lacunes légales dans le domaine de la participation des travailleuses et travailleurs lors de l’utilisation de systèmes algorithmiques sur le lieu de travail. Le conseiller national s'appuie sur un nouvel avis de droit de l'Université de Saint-Gall. Celui-ci arrive en effet à la conclusion que les travailleuses et travailleurs auraient théoriquement le droit, en vertu de la loi sur la participation, de s'impliquer dans la numérisation sur le lieu de travail sous certaines conditions. Dans la pratique, l'application de ce droit se heurte toutefois à des obstacles. Ainsi, il n'existe notamment pas de sanctions lorsque les employeurs enfreignent les dispositions relatives à la participation.

Renforcer les droits de participation des employé·e·s

La conseillère nationale Barbara Gysi (PS) a déposé dernièrement une intervention politique sur le thème des algorithmes au travail. Par le biais d'une motion, elle demande que les droits de participation des employé·e·s soient renforcés au niveau légal lors de l'utilisation de l’Intelligence artificielle et de systèmes algorithmiques sur le lieu de travail. La motion a été cosignée par 37 autres parlementaires. Dans sa motion, Barbara Gysi écrit : «Le but de ces modifications est notamment de consolider la participation collective. À cette fin, il convient d'élargir le droit d’être consulté, de renforcer les droits à l'information, de créer des droits de recours collectifs et d'examiner les possibilités de sanctions».

En se focalisant sur le niveau collectif, Barbara Gysi aborde un défi important dans l'utilisation des systèmes algorithmiques. En effet, les conséquences de l'utilisation de tels systèmes sont souvent de nature collective plutôt qu'individuelle. Si une entreprise souhaite par exemple analyser des données personnelles à l'aide d'un système algorithmique, il se peut que des employé·e·s puissent refuser l'utilisation de leurs propres données. Toutefois, si d'autres personnes donnent leur accord pour que leurs données individuelles soient utilisées, l'entreprise peut tout de même effectuer une analyse sur la base des données disponibles. Sur la base de cette analyse, des décisions peuvent alors être prises qui concernent collectivement l’ensemble des employé·e·s, y compris les personnes qui ont refusé l'utilisation de leurs données. C'est pourquoi il est important que la participation puisse également se faire par le biais de représentations des employé·e·s.

Les prochaines étapes

Le Conseil fédéral doit maintenant prendre position sur les deux interventions d'ici le début de la prochaine session du Parlement. D’ici fin février 2024, nous saurons donc si et comment le Conseil fédéral entend réagir à l'influence croissante de l'IA dans le monde du travail. Le débat sur l'utilisation des algorithmes sur le lieu de travail pourra alors commencer au Parlement. Ce qui est d'ores et déjà certain : la politique suisse est appelée à relever au plus vite les défis posés par les systèmes algorithmiques. AlgorithmWatch CH continuera à s'engager pour que les droits fondamentaux sur le lieu de travail soient respectés même lorsque des systèmes algorithmiques sont utilisés.

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