Boom de l’IA: la population suisse préoccupée par la consommation d’électricité et d’eau des centres de données

Consommation électrique de l’IA en Suisse

Ce sont en particulier les grands modèles d’IA générative polyvalents, tels que ChatGPT, qui contribuent à l’explosion de la consommation d’énergie des centres de données, qui sont nécessaires au développement et à l’exploitation de l’IA. En Suisse, les centres de données représentent actuellement six à huit pour cent de la consommation d’électricité, selon les estimations des spécialistes, qui prévoient que cette part passera à 15 % d’ici 2030. C’est plus que le développement d’énergies renouvelables prévu par la loi.

La population porte un regard critique sur la consommation des ressources

Selon un sondage représentatif, la population suisse porte un regard critique sur la consommation d’énergie et d’eau des centres de données.

• Une majorité (57 %) pense que les centres de données contribuent aujourd'hui à la consommation totale d'énergie en Suisse, deux tiers (66 %) estiment qu'ils le feront à l'avenir.
• Sept personnes sur dix (71 %) craignent que la consommation d’eau des centres de données récemment construits puisse nuire à l’écosystème environnant.
• En cas de pénurie d’énergie ou d’eau, la population suisse donnerait la priorité à des secteurs tels que la santé publique ou l’approvisionnement alimentaire. Par rapport à huit autres secteurs, elle attribue aux centres de données la priorité la plus faible.

Aujourd’hui déjà, l’IA fait grimper la consommation d’énergie et les émissions des grandes entreprises de la tech, comme le montrent des études de l’Agence internationale de l’énergie ou de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Les entreprises d’IA ne font cependant pas preuve de la transparence nécessaire. Certaines d’entre elles ont récemment fourni des premières informations sur la consommation d’électricité et d’eau liée au développement et à l’utilisation de l’IA générative. Ces informations doivent toutefois être considérées avec prudence, car il n’est guère possible dans les conditions actuelles de les vérifier de manière indépendante.

«L’IA ne tombe ni du ciel ni d’un «cloud». Au contraire, son développement et son utilisation quotidienne à des milliards de reprises nécessitent d’énormes quantités de travail humain, d’eau et d’énergie.

Notre sondage montre que la population suisse est très préoccupée par la consommation croissante de ressources des centres de données, qui constituent un élément central de l’infrastructure d’IA: la population veut savoir combien d’énergie et d’eau sont consommées derrière les épais murs des centres de données et des entreprises d’IA. En outre, elle veut s’assurer que les centres de données fonctionnent avec de l'énergie renouvelable.

La population suisse envoie un message clair aux décisionnaires: la technologie et la protection du climat doivent aller de pair.»

Angela Müller, directrice d’AlgorithmWatch CH

Les besoins en électricité doivent être couverts par les énergies renouvelables

La plupart des personnes en Suisse s’accordent sur la provenance de l’énergie destinée aux centres de données. La majorité souhaite des conditions-cadres claires pour une extension des centres de données respectueuse de l’environnement.

• Près des trois quarts (72 %) estiment que de nouveaux centres de données ne devraient être construits que s’ils sont alimentés en électricité issue d’énergies renouvelables.
• Seule une personne sur cinq (20 %) estime que de nouveaux centres de données devraient être construits s’ils fonctionnent avec de l'énergie provenant du gaz, du charbon ou du pétrole.

En conclusion: la population ne veut pas que la consommation d’électricité croissante des centres de données compromette la transition énergétique. Les nouveaux centres de données ont besoin de sources d’énergie renouvelables supplémentaires, sinon l’emballement pour l’IA deviendra néfaste pour le climat.

Demande de transparence et de réglementation

Face à l’augmentation de la consommation des ressources par les centres de données, la population a une position claire. Une écrasante majorité souhaite savoir ce qui se passe dans les centres de données et estime que leurs exploitants et les entreprises spécialisées dans l’IA doivent assumer leurs responsabilités.

• Huit personnes sur dix sont favorables à l’obligation pour les exploitants de centres de données de divulguer leur consommation d’énergie actuelle et estimée pour l’avenir ainsi que leurs sources d’énergie (79 %) et de publier des rapports sur l’impact environnemental (80 %). Les entreprises telles que les groupes spécialisés dans l’IA qui utilisent l’infrastructure devraient être tenues de divulguer les centres de données qu’elles utilisent (69 %) et à quelles fins (73 %).
• Quatre personnes sur cinq (80 %) estiment que les exploitants de centres de données devraient contribuer davantage que les ménages et les petites entreprises au financement des investissements dans le réseau d’énergie nécessaires pour répondre à la demande d’électricité croissante.

AlgorithmWatch CH: prendre au sérieux la population et les objectifs climatiques

Les centres de données constituent déjà une infrastructure sociétale centrale et vont gagner en importance. Il est donc d’autant plus important, selon AlgorithmWatch CH, de concevoir cette infrastructure de manière durable. Pour AlgorithmWatch CH, les points suivants sont essentiels pour concilier la consommation des ressources des centres de données avec les objectifs climatiques:

• Les centres de données doivent fonctionner avec des sources d’énergie renouvelables. En particulier pour les nouveaux centres de données, il doit s’agir d’énergies renouvelables supplémentaires, qui ne sont pas soustraites à d’autres secteurs qui en auraient un besoin urgent pour décarboner.
• Les centres de données et les entreprises d’IA doivent avoir l’obligation de présenter en toute transparence leur consommation de ressources, leurs sources d’énergie et leurs évaluations d’impact environnemental tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Avant la construction de nouveaux centres de données, des évaluations systématiques de l’impact environnemental sont nécessaires.
• Les centres de données et les entreprises d’IA doivent être tenus de prendre des mesures concrètes pour réduire leur consommation d’énergie et d’eau. Ils devraient également être contraints de montrer ce qu’ils entreprennent pour limiter cette consommation de ressources et la rendre plus respectueuse du climat.
• Il faut promouvoir la technologie durable: le progrès et la protection du climat ne doivent pas se faire obstacle, mais doivent aller de pair. Le développement et l’utilisation de l’IA doivent s’aligner sur les objectifs climatiques convenus au niveau national et international. L’objectif doit être, premièrement, de limiter la consommation de ressources, notamment celle des grands modèles d’IA polyvalents. Deuxièmement, il faut promouvoir des solutions d’IA plus spécifiques et plus compatibles avec le climat, qui permettent une technologie plus durable.

Diverses interventions au Parlement fédéral témoignent de la prise de conscience croissante concernant la consommation de ressources de l’IA et de son infrastructure. Le Conseil fédéral est désormais appelé à prendre au sérieux les préoccupations de la population et ses objectifs climatiques, et à compléter les propositions de réglementation de l’IA annoncées pour fin 2026 par des mesures permettant un écosystème d’IA plus durable.

«Une stratégie à long terme pour la gestion de l’IA doit également aborder sa consommation d’énergie et d’eau. La question est: quelle IA voulons-nous? Le progrès et la protection du climat ne doivent pas se faire obstacle. Si nous voulons une technologie durable qui ne nuit pas à notre climat, mais qui favorise sa protection, il est important de prendre en compte les impacts environnementaux de l’IA tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. Le Conseil fédéral ne peux plus fermer les yeux et ignorer cet aspect dans la réglementation prévue concernant l’IA.»

Angela Müller, directrice d’AlgorithmWatch CH

Informations sur le sondage

L’entreprise britannique d’études de marché Savanta a réalisé ce sondage dans cinq pays européens (Suisse, Allemagne, Irlande, Espagne et Royaume-Uni). Les sondages sont représentatifs pour chaque pays. En Suisse, 1006 personnes ont été interrogées en ligne entre le 17 et le 28 septembre 2025. Marge d’erreur (MoE): Suisse: n=1006, MoE ≈ 3.09%; tous les pays: n=5032, MoE ≈ 1.38%

Le sondage a été commandé par une alliance internationale de diverses organisations environnementales et numériques, dont AlgorithmWatch CH (Suisse), AlgorithmWatch (Allemagne), Beyond Fossil Fuels (Europe), Friends of the Earth Ireland (Irlande), Global Action Plan (Royaume-Uni), Green Web Foundation et Tu Nube Seca Mi Rio (Espagne). La coordination internationale a été assurée par Beyond Fossil Fuels, une alliance européenne pour la protection du climat composée de plus de 60 organisations.

Remarque: dans une version antérieure du rapport ci-joint, il était question à un endroit de la consommation d'énergie plutôt que de la consommation d'électricité. Cela a été corrigé dans la version actuelle.